L'implantation des entreprises britanniques dans les régions littorales françaises de la Manche
Catherine Ploux-Le Roch
Un mouvement qui prend de l'ampleur
Depuis une vingtaine d'années, les entreprises britanniques « traversent » la Manche pour venir s'implanter en face, notamment dans les régions littorales françaises, de la Bretagne au Nord-Pas-de-Calais. Au début de l'année 1997, elles sont ainsi 233 à s'être installées dans la zone Transmanche.
L'échelle de la zone d'emploi permet de suivre finement l'évolution de ce phénomène. En effet, la zone Transmanche concentre les trois quarts des entreprises britanniques fixées en France. Ramenée au nombre d'entreprises dans chaque zone d'emploi, la proportion d'entreprises britanniques est minime, mais le cas est intéressant dans le cadre d'un bilan des liens transmanche existants.
La Bretagne et le Nord-Pas-de-Calais sont les régions où les implantations sont les plus nombreuses, ce sont aussi celles où elles ont commencé le plus tôt. Elles sont au nombre de 87 dans la première et de 72 dans la seconde, soit deux tiers des entreprises britanniques de la zone Transmanche.
Si la première entreprise britannique s'est établie en Picardie en 1976, ce n'est qu'au milieu des années quatre-vingt que le phénomène a réellement commencé à émerger. Avant 1990, les entreprises britanniques étaient encore peu nombreuses dans la zone Transmanche. Depuis, le mouvement a pris de l'ampleur. En 1993, 22 entreprises s'y sont développées, 25 autres l'année suivante, se répartissant régulièrement sur les zones d'emplois littorales, le long de la Manche, comme le long des côtes atlantiques bretonnes.
1995 marque une nouvelle accentuation des arrivées dans la zone Transmanche : 42 établissements s'y étaient établis ; 65 entreprises en ont fait autant en 1996, et durant le premier trimestre 1997, déjà 24 nouvelles ont suivi le même processus. Ce mouvement est intéressant à suivre, car il se place dans un contexte de faible création d'entreprise en France.
Deux grands types de facteurs peuvent jouer en faveur du choix du lieu d'implantation : la présence d'une grande ville dans la zone d'emploi ou à proximité, telles Rennes, Lille ou encore Paris, et surtout, les facilités d'accès que confèrent lignes de ferries et Tunnel sous le Manche, c'est le cas des zones d'emplois de Calais, du Havre ou de Cherbourg. Certaines cumulent même plusieurs de ces atouts comme la zone d'emploi de Caen-Bayeux.
Le littoral picard et les zones d'emplois situées plus à l'intérieur des terres sont moins attractifs, voire même délaissés par les investisseurs. Bretagne et Nord-Pas-de-Calais se partagent donc les faveurs des entreprises britanniques. Si les attraits du Nord-Pas-de-Calais sont évidents – facilité d'accès grâce aux ferries ou au Tunnel, rôle de l'Eurorégion lilloise –, l'attirance pour la Bretagne, et tout particulièrement pour les Côtes-d'Armor, est plus singulière. Les liens transmanche sont moins développés, les lignes de ferries plus éloignées et ce département ne compte pas de ville de rang régional. Pourtant, en 1996 et début 1997, ce sont les zones d'emplois de Lannion, Guingamp et Saint-Brieuc qui détiennent les records d'investissements.
Le nombre d'entreprises implantées dans la région transmanche est relativement important, mais il faut tempérer ce phénomène par la structure de ces mêmes entreprises. En effet, leur nombre ne doit pas cacher leur petitesse : 70 % ont moins de deux salariés, voire aucun ; 11 % plus de dix. Ce sont donc globalement de très petites entreprises.
Les activités pratiquées sont très hétérogènes, on ne décèle pas véritablement de type dominant hormis peut être le commerce (commerce en gros et commerce de détail) regroupant 30 % des entreprises. Elles sont principalement implantées en Bretagne, avec quelques exceptions pour une dizaine d'entre elles, plus spécialisées dans le commerce en gros, installées dans le sud-Picardie, profitant vraisemblablement de la proximité de la région parisienne.
Une autre catégorie, celle des services aux entreprises, regroupe 14 % de l'effectif. La zone d'emploi lilloise se révèle être un pôle d'implantation majeur, les autres se répartissent le long du littoral et dans les zones bénéficiant de l'influence des métropoles régionales ou nationales, telles que Paris, Rennes ou Caen.
Le dernier type « identifiable » est numériquement faible, le secteur de la construction ne réunit que 5,5 % du total des entreprises. En dehors d'un pôle très concentré dans les Côtes-d'Armor, les entreprises se répartissent entre les zones d'emplois du département de la Manche, celles de la Haute-Normandie et la région lilloise.
Structure des implantations britanniques
Les caractéristiques des entreprises implantées dans la zone Transmanche sont très diverses. Cependant, en se basant, d'une part, sur leur nombre dans chaque zone d'emploi, et d'autre part, sur l'effectif de chacune d'elles, il est possible d'analyser la structure des implantations britanniques présentes dans la zone transmanche.
On décèle une écrasante domination des entreprises de très faibles effectifs. L'ensemble des zones d'emplois – dans lesquelles sont implantées des entreprises britanniques – est concerné à l'exception de trois. Pour mémoire, 70 % des entreprises ont moins de 2 salariés. Souvent d'ailleurs, ce sont les seules présentes. Leur poids économique est donc à relativiser.
Les entreprises ayant des tranches d'effectifs plus importantes se concentrent sur le littoral et dans la partie nord de la zone Transmanche. Le Nord-Pas de Calais est un pôle important. Cette région détient la majorité des entreprises de plus de 20 salariés, souvent fixées dans les zones d'emplois les plus densément occupées.
Le croisement de ces deux variables permet d'affiner ce que la simple localisation des implantations n'avait fait qu'esquisser : un éparpillement spectaculaire des entreprises britanniques sur le sol transmanche. Il invite aussi à relativiser le poids des grandes concentrations. Certes, de nombreuses entreprises britanniques se sont fixées dans les zones d'emplois des Côtes-d'Armor, de Rennes ou de Caen, mais leurs effectifs salariés sont modestes.
Il reste que ce phénomène prend de l'ampleur chaque année malgré la petitesse des entreprises présentes. Certaines zones d'emplois accueillent déjà une dizaine d'entreprises britanniques. D'autres devraient suivre si les implantations se poursuivent au même rythme que les années précédentes. Les mouvements constatés au premier trimestre 1997 le laisse supposer.
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