Emplois et chômage, 2012-2014
Frédérique Turbout
Le taux de chômage est calculé dans les deux pays au sens du BIT (Bureau international du travail).
Une personne est ainsi considérée comme chômeur si elle remplit certaines conditions au moment de l'enquête appelée « semaine de référence », c'est-à-dire, la semaine durant laquelle sont réalisées les enquêtes permettant d'établir le nombre de personnes au chômage.
Les conditions à remplir sont les suivantes :
♦ être âgé de 15 ans ou plus,
♦ être sans emploi,
♦ avoir effectué une démarche active de recherche d'emploi dans les 4 dernières semaines précédant la semaine de référence ou avoir trouvé un emploi commençant dans moins de trois mois à compter de la date d'enquête,
♦ être disponible dans les deux semaines suivant la semaine de référence pour occuper un emploi.
Sont donc exclus de ce calcul, les personnes ayant effectué au moins une heure de travail dans la semaine de référence ou toute personne ayant conservé un lien formel avec son emploi (congés, maladie, maternité…).
Les personnes en contrat partiel de courte ou très courte durée sont donc également exclues de ce calcul.
Notons qu'au Royaume-Uni, ce type d'emploi « très partiel » est fréquent et que l'indemnisation chômage ne peut excéder 6 mois. Dans ces conditions, nombre de personnes sans emploi n'apparaissent pas dans les statistiques, de plus, le système d'indemnisation incite fortement à accepter un emploi, même de très courte durée.
Comparer l'activité économique de part et d'autre de la Manche implique de prendre en compte une échelle d'analyse commune aux deux pays qui permette de rendre compte au mieux de la diversité des situations. L'analyse des indicateurs d'emploi et de chômage à l'échelle des zones d'emploi en France et des Travel To Work Area (TTWA) en Angleterre facilite cette approche comparative, ces deux niveaux d'échelle étant les seuls à être identiques et réellement comparables entre eux et entre les deux pays.
La cartographie de la proportion de personnes employées au sein de la population active dans les zones d'emploi transmanche traduit un fort contraste entre les deux rives. En moyenne dans la zone, le taux d'emploi atteint 68,9 % de la population active. Mais côté français de la zone, il est en moyenne de 62,8 % contre 76,6 % côté britannique. Plus généralement, en France en 2012, le taux d'emploi était de 63,9 % de la population active (15-64 ans), alors qu'au Royaume-Uni ce taux atteint 70,1 % et que le taux moyen de l'Union européenne est établi à 64,1 %. En comparaison des situations nationales et européenne, le taux d'emploi côté français de la zone est en deçà du taux moyen hexagonal, alors que le taux côté anglais est nettement supérieur au taux moyen du Royaume-Uni ou à celui de l'Union européenne.
Si l'on considère le taux de chômage, les écarts sont là encore très importants. Alors que le taux de chômage moyen côté français est de l'ordre de 9,8 %, côté anglais il atteint 8 % en 2012. Depuis cette date, la tendance est à la baisse, en France comme en Angleterre. Ainsi en novembre 2015, le taux de chômage en France atteignait 9,5 % contre 4,7 % pour le Royaume-Uni.
Dans l'espace Manche, les taux d'emploi traduisent deux situations bien distinctes :
- Côté anglais, les taux d'emploi dépassent largement les 75 % de la population active avec deux zones en deçà de ce seuil regroupant les zones d'emploi du sud-ouest entre Falmouth et Barnstaple et autour de Londres entre Wycombe et Slough et Hastings.
- Côté français, les taux d'emploi ne dépassent pas 75 %, et se répartissent pour l'essentiel entre trois catégories, dessinant ainsi principalement deux grandes zones : la première comprenant les zones d'emploi au nord de la France où les taux d'emploi sont compris entre 52,5 % pour la zone d'emploi de Lens-Hénin et 60 %, avec deux exceptions, les zones de Flandres-Lys (64,4%) et d'Arras (62%). La seconde couvrant les zones d'emploi en deçà des Hauts-de-France et de la Picardie, où les taux dépassent les 62 % avec quelques zones d'emploi groupées autour de Rennes, Évreux et de la grande couronne parisienne. où les taux d'emploi s'échelonnent entre 65 et 69 %.
En matière de chômage, les clivages sont tout aussi importants, mais inversés. Les plus forts taux de chômage concernent les zones d'emploi françaises, principalement dans le nord, où la part des chômeurs dépassent les 16 % de la population active avec des taux records dans les zones d'emploi de Lens-Hénin, Maubeuge ou Cambrai, les taux de chômage dépassant les 20 % de la population active. À l'inverse, côté anglais, une seule TTWA affiche un taux de chômage compris entre 12 et 16 %, Bridport sur la côte sud du Dorset, et toutes les autres TTWA ont des taux de chômage compris entre 8 et moins de 4 %, le record du plus faible taux de chômage dans la zone incombant à la TTWA de Cheltenham et Evesham (0,7 %).
Les différences entre les deux rives de la Manche sont liées à des situations et des orientations économiques différentes. Si les taux de chômage sont souvent plus élevés à proximité des grandes agglomérations, c'est aussi parce qu'elles ont tendance à attirer les populations en recherche d'emploi. Elles offrent à l'inverse un plus grand marché d'emplois potentiels. Notons également que les chiffres de l'emploi et du chômage sont à nuancer. De bons résultats en matière de chômage cachent souvent des emplois à temps partiels, peu rémunérateurs, nécessitant un cumul de petits emplois du même type pour parvenir à assurer des revenus viables aux ménages.
Haut