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Atlas Transmanche

L'espace Manche en Europe (2012)


Frédérique Turbout

L'Union européenne et ses 28 États membres comptent quelques 505,7 millions d'habitants en 2012. Dix ans plus tôt, avec 13 pays de moins, l'Europe des 15 était peuplée de 376 millions d'habitants. Entre ces deux dates, si le contexte politique d'élargissement de l'Union, les crises migratoires et les crises économiques ont marqué et marquent encore fortement le paysage économique et démographique européen, les tendances de fond amorcées quelques années plus tôt se sont poursuivies, voire accentuées.

Si depuis 1960, l'Union européenne a gagné 100 millions d'habitants se répartissant de façon homogène sur les territoires, le poids démographique de cet ensemble reste très relatif aux regards des 7,4 milliards d'habitants que compte la planète. 7 êtres humains sur 100 vivent dans l'Europe des 28 et moins d'un sur 100 dans l'espace Manche. Ce faible poids dans la démographie mondiale des populations européennes a peu de chance d'évoluer à la hausse dans les prochaines décennies, comme s'accordent à le souligner les démographes et spécialistes du domaine. Compte tenu de ces comportements, la croissance de la population européenne sera lente, voire dans les scénarii les plus pessimistes, réduite à zéro et même négative.

Ce faible poids démographique est la conséquence d'une évolution lente et débutée plus de deux générations plus tôt et conduisant au vieillissement de la population européenne.

Deux faits majeurs caractérisent aujourd'hui le paysage démographique européen, ce vieillissement des populations et le poids grandissant des régions-capitales.

Ces deux comportements accentuent les disparités entre Europe de l'Ouest, celle des 15 États membres de 2002 et la grande Europe à 28 de 2015. Côté ouest, les pays vieillissent, les capitales attirent toujours plus de population à la recherche d'un emploi, d'un logement, d'un meilleur niveau de vie, alors même que le rural se vide et vieillit lentement mais semble-t-il, irrémédiablement.

À l'Est, les jeunes démocraties sont encore démographiquement dynamiques et permettent de nuancer la situation. Pour autant et plus que jamais, l'Europe reste une « presqu'île de vieux » dans un océan mondial de jeunes.

Dans cet ensemble européen, l'espace Manche suit les grandes tendances des régions européennes de l'ouest, avec quelques particularités liées à sa situation géographique et à la présence des deux plus grandes métropoles européennes, Londres et Paris.

1. Le poids des régions capitales

L'importance démographique et économique des régions capitales est une réalité. Densément peuplées, affichant régulièrement plus de 2 000 habitants au km², ces capitales polarisent les populations et fonctionnent comme des aimants, affichant les concentrations de population les plus élevées de l'ensemble des régions européennes. Paris et sa banlieue, Londres, Bruxelles, Bucarest, mais aussi Portsmouth dans l'espace Manche, présentent des densités de population dépassant fréquemment les 5 000 habitants au km².

À ces concentrations de grande ampleur s'ajoutent les fortes densités des zones industrielles majeures, des villes industrielles du Nord de l'Italie aux ports du Range Nord en remontant le couloir Rhénan.

Enfin, comme cela s'observe dans la plupart des pays du monde, les littoraux restent des lieux de concentrations des hommes et des activités. C'est particulièrement le cas des Costas espagnoles, des littoraux italiens et des sud français et anglais.

À l'inverse des territoires restent vides d'hommes, soit parce que inhospitaliers et difficilement habitables, soit parce qu'ils subissent une hémorragie de départs de leur population jeune.

La Scandinavie, le Nord de la Finlande présentent des densités inférieures à 20 habitants au km², mais ce sont les difficiles conditions de vie qui justifient ces répartitions de populations. De même, le centre de l'Espagne, zone désertique au climat particulièrement aride, ne compte qu'une moyenne de 10 habitants au km². Cette situation d'isolement se retrouve dans le nord de la Croatie, ou bien dans les Highlands écossais.

Dans l'espace Manche, la situation est très contrastée ; alors que le sud anglais dont la région de Portsmouth, le Sussex, le Kent et les comtés bordant le Grand Londres présentent des densités de population très élevées, supérieures parfois à 2 000 habitants au km², les régions du Centre Bretagne, du sud normand ou de la Picardie intérieure sont faiblement peuplées. Plus généralement si on exclut les régions-capitales et les grandes aires urbaines de l'espace Manche, les densités sont inférieures à 200 habitants/km², la moyenne s'établissant à 215,6 habitants/km², soit tout de même presque deux fois plus que la moyenne européenne.

 

 

2. Comportements démographiques : vers un ralentissement de la croissance ?

L'un des traits caractéristiques majeurs de l'évolution de la population européenne réside dans la faible propension à assurer son renouvellement grâce aux naissances.

Aujourd'hui la croissance de la population de l'Europe des 28 est au ralenti. Seules les régions-capitales ou celles qui accueillent des unités urbaines importantes affichent des croissances démographiques positives, accentuant une fois de plus les disparités régionales.

L'Europe accroît sa population non plus par un excédent des naissances sur les décès, mais grâce à son solde migratoire, seul levier permettant d'accroître la population, migrations qui ont d'ailleurs tendance à privilégier les zones urbaines.

Cet apport migratoire qui permet de maintenir une croissance de la population ne doit pas être considéré comme un fléau, mais bien comme une opportunité qui a plus ou moins long terme pourrait permettre de ralentir un vieillissement massif de la population et par là même, d'en atténuer les lourdes conséquences économiques.

Les régions rurales, à l'opposé voient leur population décroître, non pas parce que les habitants quittent ces territoires – on est loin des grands mouvements d'exode rural d'après guerre – mais parce que la population ne se renouvelle plus suffisamment pour assurer une croissance, même faible. 

2.1. Une natalité en berne

L'Europe des 28 est marquée par un ralentissement de sa natalité. Il naît de moins en moins d'enfants par femme et le taux de natalité global est de 10,4 enfants pour 1 000 habitants. La crise économique depuis 2008 a eu pour conséquence de ralentir le nombre moyen de naissance par femme. Parmi les pays européens, l'Irlande, la France et le Royaume-Uni sont ceux qui s'en sortent le mieux, avec des taux de natalité compris entre 15,7 et 12,8 pour mille. À l'inverse, les plus bas taux de natalité concernent l'Europe orientale, l'Allemagne, la Lettonie, l'Italie, l'Autriche, mais aussi le Portugal et la Grèce où le taux est inférieur à 8 naissances pour 1 000.

Dans les régions européennes, les plus forts taux se localisent dans les régions-capitales, où la population est structurellement plus jeune. Londres, Bruxelles ou Paris en sont les illustrations.

Suivant l'évolution du taux de natalité, l'indice de fécondité n'a jamais été aussi bas en Europe. Malgré une légère reprise, ce taux ne dépasse pas en 2012, 1,58 enfants par femme donc bien en deçà du taux nécessaire au renouvellement des générations (2,1 enfants par femme). L'Irlande, la France, le Royaume-Uni et la Suède s'illustrent par des taux de fécondité parmi les plus élevés de l'Union. Dans ces pays, nombre de naissances ont lieu hors mariage, le poids des institutions, de la société et de la tradition pèse moins sur les jeunes ménages, à l'inverse de pays comme le Portugal, où naissance rime avec mariage. C'est aujourd'hui l'un des États qui affiche le plus faible taux de fécondité s'expliquant par le poids de la tradition et par les effets de la crise économique de 2008.

Une relative stabilité économique et une société plus libérale semble être les garants d'une fécondité plus active.

Quels que soient les comportements des différents États membres de l'Union européenne, les naissances ne permettent plus d'assurer le renouvellement des générations et la croissance démographique. Les soldes naturels sont faibles, encouragés dans leur baisse par des taux de mortalité qui repartent à la hausse. Est-ce à dire que la situation sanitaire européenne se dégrade ? 

2.2. Une mortalité en hausse

Longtemps dans l'histoire démographique des sociétés, et même encore de nos jours, des taux de mortalité élevés témoignaient de situations sanitaires et économiques fragiles ou dégradées. Un nombre élevé de décès, particulièrement en bas-âge, ce que l'on nomme mortalité infantile et qui concerne les décès de nouveau-nés de moins d'un an, reflétait une situation sanitaire médiocre et un faible niveau de développement.

Si cette situation s'observe encore dans de trop nombreuses régions d'Afrique, d'Amérique centrale ou d'Asie du Sud-Est, l'Europe a depuis bien longtemps dépassé cette situation. La fin de la transition démographique a marqué la stabilisation de la mortalité à des niveaux faibles, voire très faibles. Et pourtant, en 2012, le nombre de décès est en progression en Europe de près de 3 % par rapport à 2011. Si les nouveaux pays entrants d'Europe de l'Est affichent encore des taux de mortalité élevés par rapport à leurs voisins européens (Bulgarie : 15 décès pour 1 000 habitants, le plus élevé de l'UE-28), la moyenne se situe à 9,9 pour mille et le taux de mortalité infantile est l'un des plus faibles au monde, à 3,8 pour mille.

Comment expliquer alors cette hausse subite de la mortalité ?

En réalité, l'Europe vieillit. Ce vieillissement s'accompagne d'un nombre de personnes âgées proportionnellement plus important au sein de la population totale et donc une propension au décès augmentée. On vit certes plus longtemps et en meilleure santé (80,3 ans en moyenne) mais compte tenu des générations nombreuses du baby-boom d'après-guerre et de l'allongement progressif de la durée de vie, le taux de mortalité risque de se maintenir à un niveau élevé, voir d'augmenter dans les prochaines décennies, ne reflétant pas une dégradation de la situation sanitaire mais bien un vieillissement des structures démographiques européennes.

L'espace Manche suit une évolution identique à celle de la plupart des régions européennes. Les décès sont plus nombreux et viennent creuser le déficit du solde naturel dans les espaces les plus ruraux, accentuant les disparités entre régions urbaines dynamiques et espaces ruraux en décroissance démographique. 

3. Le vieillissement de la population : un état de fait et un enjeu pour demain

Le vieillissement de la population n'est plus à craindre ou à prévoir, il est d'ores et déjà une réalité de nombre de pays de l'Union européenne. Le niveau de dépendance des régions illustrent cette évolution démographique. Le nombre de personnes âgées augmente alors même que celui des actifs baisse lentement. Les régions littorales, attractives pour nombre de retraités, présentent des taux de dépendance (rapport entre les personnes de plus de 65 ans et les personnes d'âge actif entre 20 et 65 ans) très élevés, plus de 35 %, soit 35 retraités pour 100 actifs.

D'ici 35 ans, le nombre de personnes âgées va progresser, leur part augmentant de quelques 18,5 % alors même que la population active chutera de 66 % à 57 % de la population totale.

En 2050, les prévisions de l'UE-28 tablent sur 150 millions de personnes âgées de plus de 65 ans, dont 57 millions de très âgés. On passera ainsi de quatre actifs pour un retraité à un rapport de deux actifs par retraité. Cette évolution qui est d'ores et déjà en cours est une priorité des politiques européennes qui incitent à suivre de nouvelles voies telles que le développement du maintien à domicile et la domotique adaptée aux personnes âgées, le développement des emplois et services à la personne et toute une nouvelle stratégie économique nommée « silver économie » où les personnes âgées deviennent un enjeu de développement économique régional et local.

 

 

Enjeu de société, enjeu économique, le vieillissement de la population peut être un levier pour certains territoires périphériques de tirer leur épingle du jeu, contrebalançant une tendance lourde qui veut que régions urbaines riment avec richesse des territoires, la carte de la répartition des PIB par habitant illustrant encore cette tendance lourde de l'Union européenne.

 

 

L'espace Manche suit cette évolution, avec une particularité qui est de voir se juxtaposer un sud anglais fortement peuplé et très vieilli avec un nord-ouest français où le vieillissement s'accentue chaque année, et particulièrement le long des littoraux.

L'espace Manche est un miroir, à échelle réduite des situations démographiques et économiques européennes, les enjeux y sont identiques. Le poids des deux grandes métropoles, Londres et Paris, est indéniable et marque fortement les territoires proches et plus lointains, tout en maintenant une vitalité démographique et économique certaine. L'attractivité des littoraux n'est plus à démontrer et à l'inverse les territoires ruraux souffrent d'une désaffection et d'un vieillissement de leur population. Ce vieillissement pourrait à plus ou moins long terme s'avérer une chance pour ces espaces à condition dès à présent d'en mesurer les atouts.

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