Des littoraux sous forte pression
Pascal Buléon, Louis Shurmer-Smith
L'importance stratégique de la maîtrise d'un développement durable des zones côtières est apparue en même temps que grandissait la préoccupation environnementale. Cela a conduit, au cours des 15 dernières années à porter l'accent sur la protection de la faune, de la flore, des milieux, de l'écologie des systèmes. La Commission européenne, dans son rapport de 1999 sur la gestion intégrée des zones côtières (GIZC), aboutissait à la conclusion que la plupart des conflits pouvaient être reliés à des faiblesses institutionnelles, politiques et réglementaires. Des deux côtés de la Manche, la réponse en termes d'aménagement à ces conflits d'intérêts a consisté à pratiquer un zonage d'activités. La nécessité que des autorités locales contigües travaillent de concert pour s'occuper de leurs ressources littorales est apparue de manière criante. Pour autant, les différents niveaux d'intervention ont progressivement bâti un édifice de plus en plus compliqué et beaucoup s'accordent à penser que trop de niveaux et d'interventions aboutissent à une suradministration.
Faire entrer le « ‘I' d'intégrée » dans gestion des zones côtières a constitué un des points clés des débats sur cette gestion, ces dernières années. C'est en fait la question de la définition même de la zone côtière qui se trouvait posée, trop souvent comprise comme la simple façade maritime d'un hinterland plutôt qu'une réelle interface, avec ses spécificités, entre la mer et la terre. Au principe de zonage, la loi Littoral ajoutait la nécessité de l'aménagement en profondeur qui intègre l'immédiat hinterland. Nulle part mieux que dans le Solent, complexe estuarien le plus grand et le plus occupé de la côte Sud de l'Angleterre, on ne peut retrouver autant de défis opposés à cette gestion intégrée. Cette région, cohérente sur le plan de la géographie physique, est extrêmement fragmentée sur le plan politique : pas moins de 26 autorités sont impliquées pour réguler les activités de toutes natures dans 12 ports et estuaires de tailles diverses sur 36 000 hectares. Ajoutons les deux grandes agglomérations de Portsmouth – le deuxième port transmanche de la côte Sud et une base navale en activité – et Southampton, le premier port de croisière du Royaume-Uni et grand port container. Dans ce même Solent, on dénombre 34 sites littoraux protégés pour la fragilité de leur habitat, plus de 25 000 mouillages et 30 marinas, des petits ports de pêche un peu partout, de nombreux sites historiques ou touristiques… Aussi n'est-il pas vraiment surprenant que différentes activités se trouvent en conflit. L'incroyable accumulation législative et réglementaire, du niveau local au niveau européen, qui a généré 40 plans d'aménagements et dispositifs divers pour le même territoire, fait clairement apparaître la nécessité d'une approche plus intégrée et plus coordonnée. C'est la mission du Solent Forum créé en 1992. 65 organisations y participent et ont élaboré une orientation stratégique pour le Solent, pour réduire les conflits et soutenir les bonnes pratiques. La très attendue « Marine Bill » peut laisser espérer aboutir à un système plus simple et plus efficace, ouvrant la voie à un réel développement durable du milieu maritime et du littoral.
Haut