Les ports de plaisance du littoral français des mers de la Manche et du Nord
Christian Fleury
Précisions méthodologiques
Les distorsions relevées en 1998 concernant les données sont toujours présentes deux ans plus tard : la précision des chiffres fournis par la plupart des organismes situés entre Dunkerque et Saint-Malo tranche avec la forme arrondie, indice d'un suivi approximatif, présentée par la grande majorité des sources bretonnes. Cette différence quantitative dans le traitement se double d'une autre, qualitative : alors qu'il est toujours possible en Manche Est et en mer du Nord d'avoir des précisions utiles sur l'origine des visiteurs, cette possibilité existe rarement en Bretagne nord.
Ne figurent pas sur les graphiques :
- Dunkerque (2 000 visiteurs répartis sur 5 sites en 2000) et Tréguier (2 200 visiteurs) qui n'avaient pu être renseignés en 1998 ;
- Dinard qui n'accueille pas de visiteurs ;
- Plougasnou (données non disponibles).
Il convient également de rappeler que ces données concernent uniquement la fréquentation des ports de plus de 300 places. Ils expriment l'attractivité des sites portuaires organisés mais ne peuvent rendre compte que d'une partie de l'activité, les mouillages hors marinas n'étant évidemment pas pris en compte. Or, il est probable que cet élément agit de façon différenciée sur le littoral.
L'attraction marine
Depuis plusieurs années, la filière plaisance s'inscrit dans un dynamisme et une croissance soutenus. Les derniers chiffres, délivrés au cours de l'été 2001 par la Fédération des industries nautiques, font état d'une progression de 19,6 % du secteur de la construction au cours du premier semestre de l'année 2001. Une enquête de ce même organisme estimait à 29 % soit environ 50 000 unités le désir de renouvellement des propriétaires de bateaux de plus de 6 mètres. L'évolution des indicateurs relevés ici illustre le propos général. Sur deux ans, la hausse de fréquentation des ports de plus de 300 places du littoral français Manche-mer du nord s'établit à 17 % avec un gain de plus de 12 000 visiteurs.
La structure des flux relevée en 1998 reste dans une large mesure observable deux ans plus tard. Les hausses les plus spectaculaires en pourcentage concernent généralement des ports de taille petite ou moyenne. C'est le cas de Dahouët, Dives, Fécamp et Courseulles. Un autre éclairage fourni par une approche arithmétique (fig. 2) met en évidence le renforcement du rôle de tête de pont pour les plaisanciers britanniques des deux sites recevant le plus de visiteurs, Guernesey et Cherbourg, et la réelle progression des secteurs mer du Nord et Manche Est.
Une analyse par secteur géographique nous permet de constater :
- La forte progression des visiteurs des secteurs mer du Nord-Manche Est. Elle est liée pour sa partie orientale (donc hors baie de Seine) à une hausse de la fréquentation des plaisanciers issus du Nord de l'Europe, en grande majorité belges ou néerlandais. Des recoupements effectués à partir des ports ayant fourni des données suffisamment précises ont permis d'apporter quelques éléments intéressants sur la manière dont s'organisent leurs croisières sur les côtes françaises.
Source : Capitaineries des ports de plaisance.
On peut ainsi remarquer que :
- Le nombre de visiteurs nordiques – en majorité hollandais – culmine à Boulogne et à Dieppe où il représente plus de 60 % du total, loin devant les Anglais qui ne les devancent qu'à Calais dans ce secteur. Environ la moitié d'entre eux se dirige vers le golfe normand-breton via Cherbourg et Guernesey. Parmi ce millier de bateaux qui franchissent le raz Blanchard vers Guernesey, environ 20 % abordent les ports costarmoricains de Lézardrieux et Trébeurden ;
- Une progression régulière de grands ports comme Cherbourg (16,62 %), Saint-Malo (11,22 %) et Granville (10,98 %) ainsi qu'une évolution contrastée de Jersey et Guernesey dans le secteur du golfe normand-breton. La forte augmentation de Guernesey s'explique en partie par le fait que 1998 était une année relativement mauvaise (10 793 visiteurs tout de même). Guernesey retrouve en 2000 les niveaux du début des années 1990 qui en ont fait une place d'une attractivité exceptionnelle notamment auprès des plaisanciers anglais qui représentent environ 65 % des visiteurs. Cherbourg a conforté en 2000 sa place de premier port français pour le nombre de plaisanciers reçus. Jersey, moins bien placée en situation archipélagique que sa voisine anglo-normande, bénéficie moins de cet afflux britannique ;
- Une stagnation, et parfois une régression, de la fréquentation des ports de Bretagne Nord. Nous pouvons avancer quelques explications qui restent du domaine de l'hypothèse en l'absence d'études approfondies, parfois compromises par les lacunes relevées plus haut. Il est fort probable que la qualité du secteur voisin, le golfe normand breton, peut constituer un « bassin de rétention ». De l'autre côté, les échanges avec la Bretagne sud, très important bassin de croisière, sont obérés par la difficulté pour un navigateur moyen de doubler les caps finistériens et de naviguer en mer d'Iroise pour venir en Manche. Enfin, les nombreuses possibilités de mouillages naturels alimentent probablement une façon de concevoir la plaisance moins centrée sur les marinas.
L'attraction terrestre
Nous venons de mesurer l'attractivité marine des ports, celle qui est exprimée par le nombre de visiteurs. L'attractivité terrestre peut être mesurée par le taux de remplissage des résidents permanents prolongé par le niveau des listes d'attente pour les ports saturés. Par rapport à 1998, un certain nombre de ports ont atteint la saturation. Les sites où il reste des places libres sont désormais très peu nombreux. Il s'agit du Havre, de Port Deauville, Dives, Tréguier, Perros-Guirec et Trebeurden.
Le niveau des listes d'attente constitue un moyen d'établir une distinction parmi les ports saturés. Trois régions du littoral français hors Méditerranée sont estimées particulièrement sensibles par les responsables de la filière. Il s'agit du golfe du Morbihan, du bassin d'Arcachon et du secteur Saint-Malo–Granville. La forte attractivité de ce dernier se vérifie puisque Carteret, Granville et Saint-Malo représentent à eux trois 63 % et Granville seul 36 % d'un total de 5 195 demandes pour tout le secteur concerné par l'enquête. Si l'on recoupe ces chiffres avec ceux qui recensaient il y a 2 ans 19 000 demandes en liste d'attente pour le secteur Manche-Atlantique, on mesure la place éminente du golfe normand-breton dans le contexte national et notamment celle de Granville qui représente 10 % de ce total. Nous avons à plusieurs reprises montré à quel point le port du Sud Manche était actuellement un des endroits où le dynamisme de la filière nautique s'exprimait avec le plus de vigueur. Seule ville littorale sur les 250 kilomètres de côtes entre Cherbourg et Saint-Malo, en cours de désenclavement routier grâce à l'achèvement de l'A84, et ferroviaire grâce à l'amélioration de la desserte avec Paris, Granville devrait, par la mise en place d'environ 600 anneaux supplémentaires, devenir le plus grand port français du secteur Manche-mer du Nord.
Concilier le dynamisme avec les conflits d'appropriation de l'espace littoral, par nature fragile et soumis à des convergences souvent contradictoires, constitue la problématique à laquelle est confrontée la filière. La construction ou l'extension de marinas, grosses consommatrices d'espace, font souvent l'objet de réticences de la part de sociétés littorales déterminées par diverses activités en concurrence sur l'espace portuaire. Le cas de Granville est à ce titre particulièrement édifiant avec les polémiques suscitées par le projet d'extension des ports. Enfin, pour tout le secteur géographique traité ici, il convient d'insister sur l'importance du fait frontalier qui renforce une tendance favorable et constitue un important facteur de différenciation.
Annexes
Capa- cité | Taux d'occupation des résidents permanents | Liste d'attente | Projets d'extension | Accessibilité (en h/24 h) | Visiteurs (bateaux) | |
Dunkerque (5 ports) | 210 220 160 150 150 | 95 % 100 % | | oui oui | toute heure toute heure | 2 000 |
Gravelines | 450 | 100 % | 85 | oui | 12 | 200 |
Calais | 350 | 100 % | 32 | non | 6 (été), 4 (hiv) | 1 594 |
Boulogne | 310 | 100 % | 10 | oui | toute heure | 2 853 |
Dieppe | 450 | 100 % | 300 | non | toute heure | 3 193 |
St Valéry en Caux | 600 | 100 % | 50 | non | 5 | 532 |
Fécamp | 580 | 100 % | 50 | non | toute heure | 2 742 |
Le Havre | 1 020 | 90 % | non | non | toute heure | 2 637 |
Deauville public Port Deauville | 400 900 | 98 % 85 % | 95 | oui oui | variable | 537 2 000 |
Dives | 600 | 96 % | non | non | 10 | 1 091 |
Ouistreham | 650 | 100 % | oui | oui | variable | 1 061 |
Courseulles | 750 | 100 % | 30 | non | 12 | 800 |
St-Vaast | 660 | 100 % | 15 | oui | 12 | 3 600 |
Cherbourg | 1 285 | 100 % | non | oui | toute heure | 10 600 |
Diélette | 410 | 38 % | non | non | toute heure | 2 744 |
Guernesey (2 ports) | 1 850 | 100 % | 10 793 | |||
St-Hélier (Jersey) | 1 100 | 100 % | 6 548 | |||
Carteret | 371 | 100 % | 640 | oui | 10 | 1 700 |
Granville | 1 000 | 100 % | 1 903 | oui (600) | 12 | 5 003 |
St-Malo (2 ports) | 225 1 216 | 100 % 100 % | 119 636 | non non | 8 ? | 2 156 4 085 |
Dinard | 476 | 100 % | 50 | oui | variable | Pas de visit. |
Lancieux | 409 | 100 % | 50 | non | ? | 13 |
St-Briac | 700 | 100 % | 100 | non | 12 | 30 ? |
Dahouët | 498 | 100 % | 400 | oui | 10 | 732 |
Binic | 600 | 100 % | 50 | oui (200) | coeff.>60 | 300 |
St-Quay | 1 030 | 100 % | 250 | non | toute heure | 4 500 |
Lézardrieux | 640 | 100 % | 300 | non | toute heure | 3 900 |
Tréguier | 330 | 67 % | non | non | toute heure | 2 200 |
Perros | 700 | 90 % | non | non | 8h | 2 500 |
Ploumanach | 300 | 100 % | non | 16h | ||
Trébeurden | 468 | 80 % | oui (< 6m) | oui (150) | de 8 à 12 | 3 200 |
Plougasnou | 330 | nd | ||||
Aber Ildut | 300 | 100 % | 30 | non | toute heure | 350 |