Les évolutions spatio-temporelles des zones portuaires
Maud Lucas
La morphologie des villes portuaires, touchées par les évolutions des techniques portuaires, change et évolue. La vie d'un port est ponctuée de croissance et de crise de ces activités qui ont un impact direct sur la forme de la ville et de son port.
Plusieurs types de zones portuaires se distinguent au cours du temps. L'imbrication du port dans le tissu urbain évolue selon les différentes activités portuaires (figure n° 1). Les réalisations portuaires antérieures à 1850 sont situées au cœur des centres-villes et se distinguent par leur forme très réduite (phase I). Face aux évolutions technologiques du XIXe siècle et de la première moitié du XXe siècle, les espaces portuaires exigent des équipements spécifiques aux trafics de marchandises et de passagers qui se traduisent par la construction de quais, de bassins à flot, de débarcadères (phase II).
Depuis les années 1950, les activités portuaires ont glissé vers l'aval, dans le cas des ports d'estuaire ou le long des rivages (phase III). Ce glissement d'activités se répond aux mutations économiques qui demandent de plus en plus d'espaces. Des postes pour vracs liquides ou solides et pour les conteneurs se développent ainsi en aval pour l'accueil de navires de plus en plus importants en taille.
Au-delà d'un simple schéma portuaire, Jacques Charlier propose un modèle chrono-spatial du cycle de vie portuaire (figure 2). Il intègre le facteur temps (de L1 à L5) et il prend en compte cinq stades d'évolution dans une « vie » d'un port : de la croissance (T1) à la maturité (T2), à l'obsolescence en (T3), à l'abandon (T4) et au redéveloppement (T5).
Figure 2 : Le concept de cycle de vie portuaire
Les étapes de croissance et de maturité, dans la vie d'un port, s'appuient sur le développement de trafics, passagers et marchandises, et de l'activité de la pêche. Cette croissance entraîne l'essor d'activités dérivées que sont le stockage, le négoce, la fabrication, la réparation et la sous-traitance de navires. De manière générale, la morphologie de ces espaces portuaires industriels impose une coupure entre la ville et son port. La ville tourne radicalement le dos à la mer ou à son fleuve.
Pendant les étapes suivantes (obsolescence et abandon), on assiste à l'abandon du site portuaire traditionnel. Les équipements portuaires deviennent obsolètes et inadaptés aux nouvelles techniques économiques. La quasi-totalité des installations portuaires glissent vers l'aval et vers des sites en eau profonde. Le retrait progressif des activités portuaires du front d'eau primitif voue à l'abandon de vastes espaces situés à proximité immédiate du centre urbain historique. Cette situation est atteinte par déprises successives par l'apparition de friches industrialo-portuaires, la disparition d'activités.
La dernière étape correspond à un recentrage de la ville vers le port, et à la réappropriation des friches portuaires. Les municipalités et les autorités portuaires définissent des projets visant la valorisation et le développement économique de ces espaces devenus stratégiques pour la ville, dans un nouveau contexte. Cette étape annonce de nouvelles modalités de redéveloppement axées sur la mixité de fonctions : fonctions tertiaires, fonctions ludiques, nouvelles fonctions portuaires... ; et elle se caractérise par une réutilisation économique de l'espace, axée sur de nouvelles formes et fonctions d'un territoire à la recherche d'une nouvelle image.
L'évolution historique du port du Havre
Le port militaire du Havre fondé par François Ier en 1517 sur la rive droite de l'estuaire de la Seine connaît assez rapidement un essor commercial. Jusqu'au milieu du XVIIIe siècle, la ville et le port se développent dans les remparts.
Au XIXe siècle, les remparts sont démolis, le port glisse progressivement vers l'est avec la création de nouveaux bassins : bassin de l'Eure qui accueillera des paquebots jusqu'en 1921, bassin des docks, bassin de la Citadelle... Les zones situées au sud de la ville, à proximité de ces bassins, deviennent un centre de vie pour les marins et les dockers. Le port n'est plus au cœur de la ville mais reste à sa frontière (figure n° 3).
De la première moitié du XXe siècle jusqu'en 1970, les liens entre la ville et le port se distendent. Les docks et les bassins en contact de la ville deviennent rapidement obsolètes et inadaptés aux nouvelles techniques de transport maritime. Le port à présent s'étend sur l'estuaire de la Seine vers le sud et l'est, avec de nouveaux bassins de marée qui accueillent dès 1966 les premiers conteneurs. Depuis le début des années 1990, le développement du trafic a entraîné l'apparition d'une nouvelle typologie de terminaux : bassin à flot avec des terre-pleins à conteneurs à ciel ouvert. Ce type de développement nécessite pour le port la création de nouveaux bassins (projet Port 2000).
Par contre, les bassins internes à la ville quittent la logique portuaire pour entrer dans une phase d'urbanisme.
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