Les mutations de la filière portuaire


Maud Lucas

La globalisation accrue, l'évolution des technologies et les évolutions propres du secteur du transport ont eu comme conséquence la modification radicale des relations entre ville et port.

Avant que ces mutations ne touchent toutes les villes portuaires, le port traditionnel et la ville étaient deux entités aux fonctions différentes mais deux entités tournées vers la valorisation et la production du commerce maritime. De manière générale, la morphologie des ces espaces portuaires imposait une rupture des villes de leur front fluvial ou maritime. Des espaces portuaires se sont constitués, jusqu'à l'entre-deux-guerres, dominés par des emprises utilitaires, traversés de faisceaux ferroviaires intégrant quelques îlots résidentiels nécessaires à la nombreuse main-d'œuvre qualifiée liée aux multiples activités liées au stockage, au négoce, à la fabrication et à la sous-traitance. Cette relation a fonctionné plusieurs siècles et a fondé le modèle de la ville portuaire européenne, puis américaine.

Dans les années soixante, on a assisté à un nouvel essor du commerce entre pays développés (gros consommateur d'hydrocarbures, de charbon, de minerais) et les pays du tiers-monde (exportateurs de produits bruts). La flotte marchande a été multipliée par six des années 1950 aux années 1980, pour répondre à l'augmentation des échanges mondiaux.

Cette demande croissante de transport maritime et l'essor du commerce international ont provoqué une mutation rapide des techniques. La spécialisation des navires porteurs de vrac, l'augmentation de la vitesse, le développement de la conteneurisation pour les marchandises variées et la course au gigantisme ont modifié la morphologie des ports. Les ports de fond d'estuaire, autrefois recherchés pour leur abri et leur complémentarité avec les moyens de transports terrestres, sont trop exigus, enclavés dans le tissu urbain. Équipés de bassins à flot, ils sont délaissés au profit des ports de front de mer, plus aptes aux manœuvres des navires géants. Pour résister à cette concurrence, les ports intérieurs glissent vers l'aval, grâce à la création d'avant-ports en eaux profondes. Cette révolution des transports maritimes a ainsi permis l'apparition de grandes zones industrialo-portuaires.

Depuis 1973, on observe un tassement des échanges maritimes lié au ralentissement du commerce des hydrocarbures. La course au tonnage s'essouffle, le transport maritime est concurrencé par l'avion. Les ports ont dû s'adapter aux mutations des transports. Une sélection s'opère au profit de ceux qui, dotés d'excellentes qualités nautiques, se situent sur les grands axes de circulation maritimes et terrestres.

Le port qui fait corps avec la ville n'est plus qu'un héritage laissé en friche. En quelques dizaines d'années, les évolutions technologiques ont engendré l'abandon définitif d'équipements et d'emprises considérables : 2 000 hectares situés dans l'agglomération londonienne et 300 hectares à Liverpool. Le port dans son glissement vers les eaux profondes du littoral s'est séparé de la ville. Le lieu unique s'est mué en un bipôle : la ville sur son ancien site, le port, parfois distants de plusieurs kilomètres.

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