Le milieu naturel


Jean-François Beaudrier, Samuel Lefevre

Le milieu naturel de la zone Transmanche est relativement homogène. Les particularités des mesures de protection de l'environnement britanniques et françaises n'apparaissent pas comme la conséquence de données physiques spécifiques.

1. Une configuration physique relativement similaire

Le relief est peu marqué sur la zone, mais présente parfois une dissymétrie Est-Ouest de part et d'autre de la Manche. Deux grands ensembles peuvent ainsi être distingués : les massifs anciens de l'Ouest et les vastes bassins sédimentaires londonien et parisien de l'Est.

a) Les massifs anciens et rivières de la partie Ouest

La proximité de la côte et les vallées encaissées d'origine glaciaire donnent à l'Ouest britannique une apparence plus découpée que la partie française. D'une altitude légèrement plus élevée, les massifs britanniques ont toutefois des caractéristiques communes à ceux du Nord-Ouest de la France. Les points culminants les plus importants sont respectivement le Yes Tor dans le Devon (618 mètres), Dunkery Beacon dans le Somerset (520 mètres), la forêt d'Écouves en Mayenne (417 mètres) et les Monts d'Arrée dans le Finistère (391 mètres).

Issus du plissement hercynien, ces massifs étaient à l'origine très semblables. Suite à la dernière période glaciaire, la transgression flandrienne est à l'origine de ce qui les caractérise aujourd'hui. La constitution de la Manche a rendu ces régions exiguës, entraînant la mise en place de réseaux hydrographiques de faible envergure qui finissent par des estuaires de type ria (Devon, Cornouailles, Bretagne).

Les éléments constitutifs du relief des régions de l'Ouest ne se retrouvent pas dans sa partie orientale, beaucoup moins accidentée.

b) Les bassins sédimentaires et fleuves de la partie Est

L'Est de la région Transmanche est principalement constitué de grands bassins sédimentaires au relief très modéré et aux sols fertiles. Ces régions alternent des reliefs de bas plateaux et de collines avec de vastes plaines ceinturant les réseaux hydrographiques de la Tamise, de la Seine et dans une moindre mesure de la Sour et de la Somme. Elles sont donc de ce point de vue très semblables.

La principale différence est d'ordre hydrographique. La caractéristique insulaire de la Grande-Bretagne donne aux réseaux hydrographiques un aspect « miniature » : la Tamise ne totalise que 338 kilomètres de la source à l'embouchure. Dans les plaines continentales, on rencontre des réseaux fluviaux plus importants : c'est le cas de la Seine dans le Bassin Parisien (776 kilomètres) et de la Loire dans le bassin d'Anjou (1 020 kilomètres). L'importance du loess procure des sols riches.

c) Topographie des littoraux

Les littoraux de l'espace Transmanche présentent eux aussi des caractéristiques topographiques communes. Le socle ancien de l'Ouest constitue une côte à rias à l'aspect découpé, tandis qu'à l'Est les plateaux calcaires font du littoral une côte à falaises entrecoupée d'estuaires plus ou moins importants abritant les ports et l'urbanisation.

Bien que peu accentué, le relief occidental a cependant une incidence sur les variations climatiques de la zone Transmanche, en freinant l'entrée des masses d'air maritime et en constituant une première barrière naturelle à la pénétration des flux d'Ouest.

2. L'influence océanique

Le climat de la zone Transmanche est océanique : fréquence des précipitations et douceur des températures. La Grande-Bretagne, du fait de son insularité, est tout entière sous l'emprise de ce climat. En France, l'ambiance océanique se dégrade par effet de continentalisation et on passe d'un climat de type breton à un climat de type parisien.

Les influences de la Dérive Nord-Atlantique (courant marin tiède) et des Westerlies (flux d'air maritime d'Ouest aux températures peu contrastées en toutes saisons) permettent à cette aire de bénéficier d'une faible amplitude thermique. Les moyennes mensuelles oscillent entre 15° et 20° Celsius pour le mois de juillet, et entre 0° et 10° pour le mois de janvier.

Les précipitations sont importantes, arrosant le secteur tout au long de l'année. Elles décroissent vers l'Est au fur et à mesure de leur pénétration dans les terres. Ce sont les massifs anciens à l'Ouest, premiers et principaux obstacles à cette pénétration, qui reçoivent les précipitations les plus conséquentes. Côté britannique, le massif de Dartmoor, en Cornouailles, enregistre les précipitations maximales, avec plus de 1 500 millimètres par an. La moyenne de ce comté est elle-même importante, se situant entre 1 000 et 1 500 millimètres. La moyenne maximale atteinte du côté français se situe entre 750 et 1 000 millimètres, sur les reliefs des Monts d'Arrée et de Normandie. Le nombre de jours de neige est très faible dans la zone Transmanche, de l'ordre de 1 à 10 jours par an.

3) Faune et flore naturelles

L'homogénéité relative des conditions tant physiques que climatiques se retrouve au niveau de la faune et de la flore naturelles, que très peu d'espèces endémiques différencient. La faune naturelle est aujourd'hui en déclin, en raison d'une chasse souvent abusive et du développement des surfaces agricoles et urbanisées, qui ont détruit les habitats naturels de certaines populations autrefois communes (renard, blaireaux, castors, cervidés, ainsi que de nombreuses espèces de rapaces et autres oiseaux...). L'utilisation anthropique du milieu a ainsi bouleversé l'équilibre faunistique et floristique dans la zone Transmanche, reléguant de nombreuses espèces en position de vestige. Néanmoins, la richesse reste importante en Vallée de Seine, une zone humide.

La formation végétale originelle de l'espace Transmanche était principalement forestière, la lande occupant des reliefs aux sols pauvres de l'Ouest. L'agriculture a cependant profondément modifié ces paysages.

Les hauteurs occidentales reçoivent des précipitations abondantes qui lessivent les sols et provoquent sur les plateaux mal drainés la formation de plaques de tourbe ou de landes sur sols acides. La limite altitudinale étant très basse, ces landes et tourbières représentent de vastes superficies en Angleterre. L'utilisation de ces régions, pauvres d'un point de vue agricole, se limite à des « pacages grossiers » (rough grazing), ce qui leur a permis de mieux conserver leur « aspect naturel » que les régions boisées aux sols plus fertiles. Les paysages de Cornouailles ont de ce fait certaines similitudes avec ceux de la Bretagne, eux aussi longtemps voués à l'élevage extensif compte tenu de leur faible potentiel agricole.

Les paysages de la partie sédimentaire de l'Angleterre sont moins spectaculaires, moins sauvages et plus marqués par l'occupation humaine. Le Southeast constitue en effet une des meilleures régions céréalières anglaises, mais il connaît une forte pression urbaine (Bassin Londonien). De la forêt caducifoliée originelle ne subsistent que quelques reliquats.

Les paysages du Nord-Est de la France s'apparentent aux paysages agricoles de l'Est de l'Angleterre. Les vastes bassins sédimentaires propices à la céréaliculture ont entraîné une forte régression des forêts. La rive française de la Manche est d'ailleurs la moins boisée du pays. Cependant, de plus grands massifs forestiers subsistent en France, où la pression foncière est dans l'ensemble restée moindre.

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