Les estuaires de la Seine et du Solent : une approche comparée


Isabelle Godart

 

Les estuaires sont des lieux uniques combinant ressources et contraintes liés à leurs caractéristiques naturelles et offrant de nombreuses opportunités d'utilisation et de développement du fait de leur position de carrefour.

Ceux de la Seine (en Normandie) et du Solent (dans le comté du Hampshire) sont particulièrement intéressant à étudier dans la mesure où ils rassemblent toutes ces particularités et dans la mesure où leur position de carrefour se trouve confortée par leur situation privilégiée en bordure de la Manche.

L'estuaire est un lieu d'interface entre la mer, la terre et le fleuve. Cet espace si particulier peut être perçu différemment selon l'approche sous laquelle on se place et selon le pays dans lequel on se trouve.

Espace subissant l'action de la marée

L'estuaire connaît deux caractéristiques essentielles : la marée et une forte sédimentation de l'embouchure.

La limite amont de la marée dynamique de la Seine se trouve à Pose (présence du barrage), à 160 km de la mer, il s'agit pour les géomorphologues de la limite naturelle de la Seine. Cet estuaire correspond donc à un espace très vaste alors que celui du Solent est beaucoup plus restreint, la marée n'allant pas dans ce cas précis au-delà de 30 km à l'intérieur des terres. Cependant l'estuaire anglais est soumis à des courants de marée beaucoup plus complexes que son congénère français avec un caractère unique de double haute marée (double high tide). Il se trouve confronté dès lors à un fort phénomène d'érosion (sur l'Ile de Wight notamment), du fait de l'action des vagues sur le littoral entraînant un important mouvement des sédiments soumis, soit à l'action de la marée, soit déposés dans des espaces abrités (Portsmouth Harbour, Lymington Estuary).

Dans l'embouchure de la Seine, on retrouve également de nombreux dépôts sédimentaires ; leur accumulation aboutit à la formation de vasières et au remblaiement partiel des marais, comme c'est le cas de la plaine alluviale du nord de la Seine, entre Le Havre et Tancarville.

Un système très productif

L'apport de matériaux sédimentaires provenant de la mer et du fleuve confère également une grande productivité biologique aux estuaires ce qui les rendent particulièrement convoités (10 fois supérieur à la productivité des milieux océaniques).

La Seine et le Solent sont des milieux de grande importance au niveau halieutique (poissons, crustacés) et au niveau ornithologiques, ce sont en effet des étapes du mouvement migratoire des oiseaux entre l'Europe septentrionale et l'Afrique.

La prise en compte de cette diversité biologique a entraîné la mise en place de nombreuses mesures de protections environnementales. La Grande-Bretagne est précurseur en la matière. En plus des sites de protections internationales (RAMSAR, Zone de protection spéciale...) et des réserves nationales et locales, il existe ce que l'on appelle les Sites of Special Scientific Interest (SSSI), sites d'intérêts biologiques ou géologiques qui doivent être surveillés par les autorités locales, comme c'est le cas à Dibden Bay sur la rive droite de la Southampton Water.

En Normandie, les efforts entrepris en matière d'environnement ont été plus tardifs avec en particulier la création de la Réserve naturelle de l'estuaire en janvier 1997.

Espace aux formes variées

Les estuaires n'ont pas de forme bien définie En France, le schéma que l'on se fait d'eux pourrait être : une embouchure et deux rives de part et d'autres du fleuve. Tel est le cas de la Seine, de la Loire, de la Gironde. Même si on trouve souvent la même forme littorale, on a parfois affaire, en Grande-Bretagne, à un schéma plus compliqué. Cette originalité est due à ce qu'une majorité des estuaires britanniques sont des estuaires recevant les eaux fluviales d'une système hydrographique très complexe. Le Solent, zone fluvio-maritime, est la résultante de nombreuses rivières telles que les rivières de Baulieu, de Lymington, et de celles de la Southampton Water, il peut à ce titre être considéré comme estuaire.

En fait, en Grande-Bretagne, la définition même de l'estuaire se trouve élargi à une grande variété de modelés littoraux. Les baies de Chichester, de Langstone et de Portsmouth sont considérées par les organismes de gestion du littoral comme étant des estuaires à part entière.

D'une façon générale, on peut dire que ce qu'ont en commun ces deux estuaires, et tout les estuaires Nord-Atlantique en général, ce sont leurs processus physiques, chimiques et biologiques faisant que ceux-ci évoluent naturellement de manière similaire. Cependant, le milieu estuarien a subi au cours des siècles de nombreuses modifications. Il ne s'agit donc plus d'un milieu naturel mais aussi d'un espace influencé et organisé par l'homme et par ses activités.

Haut