La fécondité transmanche : entre stagnation et reprise


Kelvyn Jones, Julia Breunig, Frédérique Turbout

L'indice de fécondité est un indicateur démographique indispensable à la qualification du dynamisme d'une population.

En 1981, la situation de la zone transmanche illustrait les grandes tendances nationales d'alors. L'indice de fécondité était, dans une grande majorité des zones d'emploi, compris entre 2,6 et 2,9 enfants par femme. À cette date, le renouvellement des générations était encore assuré. La moyenne des taux de fécondité de la zone se situant aux alentours de 3 enfants par femme. Cependant, on pouvait déjà observer quelques différences entre les deux rives de la Manche : en France, les zones appartenant au croissant fertile, dont principalement le Nord–Pas-de-Calais, s'individualisaient très nettement, avec des taux dépassant les trois enfants par femme. À l'opposé, en Angleterre, cette situation restait une exception, et ne s'observait que ponctuellement, dans le Devon et l'Essex. Seules quelques zones éparses affichaient des taux en dessous des 2,5 voire même 2,1 enfants par femme. Pour une grande majorité d'entre elles, il s'agissait de zones d'emploi correspondant à des agglomérations ou situées à la périphérie de ces dernières, telles que Londres ou la région parisienne. Le seuil de non renouvellement des générations n'était atteint dans l'ensemble de la zone transmanche que par la zone d'emploi correspondant à la ville du Mans.

 

 

En 1991, la situation est nettement plus contrastée et l'évolution à la baisse est manifeste. Avec une moyenne transmanche se situant aux alentours de 2,6 à 2,9 enfants par femme selon les zones d'emploi, la situation est bien différente des résultats observables lors du précédent recensement et plus encore des résultats observables à l'échelle régionale. Deux situations peuvent être individualisées : en France, les indices s'échelonnent entre 1,8 et 3 enfants par femme, les indices les plus élevés se localisant en périphérie des zones d'emploi de Cherbourg, Compiègne, Pontoise et Nanterre. À l'opposé, les centres de certaines agglomérations affichent des indices ne permettant plus d'assurer le renouvellement des générations : c'est plus particulièrement le cas de Rennes, du Mans, d'Angers et dans une moindre mesure de Caen ou de Brest. Les villes ne constituent pas des lieux d'installation privilégié par les populations en âge ou susceptible de procréer, on y retrouve avant tout des jeunes cadres sans enfant, les familles préférant s'installer en périphérie pour accéder à la propriété et bénéficier d'un meilleur cadre de vie. En Angleterre, les indices sont plus élevés, compris entre 2,6 et 3,8 enfants par femme, avec des TTWA largement au dessus de la moyenne transmanche, tels que Oxford et Luton. Globalement ces indices sont moins élevés en France qu'en Angleterre.

En fait, la situation de 1991 reflète l'évolution démographique de ces deux pays : en France, la transition démographique qui a débuté, il y aujourd'hui près de deux siècles, a entraîné la baisse des indicateurs de naissances. Cette baisse de la natalité et de la fécondité française est un cas atypique dans l'histoire des populations européennes des XVIIIe et XIXe siècles. Évolution lente et progressive, elle est ancrée dans les mentalités et risque de mettre plusieurs années avant de s'inverser. Au contraire, en Angleterre, la transition qui a débuté avec un siècle d'écart par rapport à la France a moins marqué les comportements, comme en témoigne depuis quelques années la reprise des naissances britanniques.

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